• Une visite inattendue mais pas si étonnante.



    Rue Lissignol 1-3, il y a 13 ans. Ils rentrent dans l’arène tels des félins dressés à ordonner  la foule. Ils bondissent à l’intérieur de l’appartement communautaire en quête d’une nourriture rare. Ils montrent leurs carte : brigade des stupéfiants. Les deux super flics à la dégaine de rockeurs cherchent mon colocataire originaire de Colombie, un étudiant en droit en situation de renouvellement de permis de séjour. Pas si étonnante cette visite mais pas de bol, mon coloc est absent, .il vient de déménager deux étages en-dessous. Au revoir !

    Quand je lui annonce la venue des deux lascars, Nando prend peur, non pas parce qu’il a quelque chose à se reprocher mais parce qu’il a une trouille viscérale de la police.
    A mentionner : Nando est en règle ; il ne fume pas, boit modérément et gagne sa vie en donnant des cours de natation. Ironie du sort, sa thèse en doctorat porte sur les conventions internationales qui régulent les stupéfiants!

    Dénonciation ? visite de routine ? discrimination abusive qui part du calcul simpliste : colombien + squatteur = narcotrafiquant ?

    Deux jours plus tard, les deux flics débarquent chez lui sans frapper. Surpris en pleine intimité avec son amoureuse fraîchement rencontrée, Nando n’a pas trop le choix, il répond à l’interrogatoire du flic.
     
    Le flic : qui est sous la douche ?
    Nando : mon amie.
    Le flic : votre ami ?  homme ou femme ?

    A ce moment-là, son amie sort de la douche calme et plaisante. Ariane montre ses papiers. Un sourire inattendu se dessine sur le visage d’un des deux flic (le gentil) : « mais vous v’nez du même canton qu’moi ma’dmoiselle. Incroyable! ». Ouf ! L’atmosphère se détend. L’autre flic (le méchant) en profite pour crisper la situation en appelant l’office de la population depuis le téléphone fixe. Pas de réponse au bout du fil. Il est passé 17 heures. Les bureaux sont fermés. Les flics font leur inspection routinière. Rien de particulier à signaler. Ils s’en vont.

    Pour l’anecdote : la veille, Nando s’était levé en pleine nuit pour jeter dans la poubelle des vieux mégots de cigarettes et de joints laissés par des amis dont le fils d’un des deux flics mais ça on le saura plus tard…

    Etudiant en droit et papier en règle. Pourquoi cette visite de la brigade des stupéfiants ? Personne n’a de réponse officielle  à ce jour. Par contre, les hypothèses sont faciles à semer : étranger originaire du pays d’Amérique Latine le plus « narcotrafiqué » et habitant le plus « alternatif » des  immeubles de la Ville de Genève.  Mais est-ce suffisant pour expliquer cette visite?   Surtout que l’histoire n’est pas terminée.

    Près de deux ans plus tard, Nando déménage à nouveau dans l’immeuble avec Ariane. Il est bientôt papa de triplés! Je reprends son studio dans lequel les flics avaient fait leur petite visite. Un voyage de plusieurs mois en Afrique se prépare et je prête le studio à un ami.
    A mon retour, j’apprends que le père de cet ami est venu rendre visite à son fils dans ce studio et qu’il se rappelle être venu faire une visite de routine à « un colombien », le téléphone fixe était peut-être mis sous écoute à l’époque. Etonnant, non ?

    Quand  Nando apprend qu’il aurait été surveillé par la police, il appelle un avocat pour savoir quels sont ses droits pour faire recours. On lui répond que cela ne vaut pas la peine d’entamer un e procédure…pas assez de preuves…il touche aux limites de l’état de droit…cela peut lui coûter très cher…vaut mieux abandonner.


    Subir la marge et la déviance policière. Tous les ingrédients sont réunis pour parler encore aujourd’hui de cette histoire et peut-être enfin connaître les raisons « officielles » de cette visite inattendue et pas si étonnante que ça : Allô, police ? Dites-nous, qui vous donne le droit de nous surveiller ?


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  • Sacro-sainte tarte meringuée


    Pas toujours tranquille les rapports de voisinage avec Manor. Les habitants l’aiment pour ses bons produits de qualité et détestent ce temple de la consommation pour le trafic routier qu’il engendre surtout le samedi.

    Pour en rire, une histoire devenue un célèbre fait divers couvert par la presse locale.

    Un samedi matin, Sam sort de chez Manor avec dans les mains, un beau gâteau  meringué. Il le pose au milieu de la route. Les automobilistes n’osant pas écraser la sacro-sainte pâtisserie, bloquent instantanément la circulation près de la place Grenus.

    Dans un tohu-bohu de klaxons et d’énervements, un piéton ramasse le gâteau. Sam l’interpelle, montre son ticket et revendique son gâteau. Le piéton riposte: «  Mais Monsieur, le gâteau était posé sur la route ! » Sam récupère son gâteau et retourne chez Manor pour en acheter un second. Le pâtissier ayant suivi l’histoire depuis son poste de travail ne compte pas lui en vendre un second et appelle son chef. 

    Dialogue :

    Le chef de rayon : Que désirez-vous ?
    Sam : Je désirais un gâteau.
    Le chef : Excusez-moi Monsieur si c’est pour le mettre au milieu de la rue, non !
    Sam : Mais je suis un acheteur et vous êtes un vendeur ! Vous n’avez aucun droit de m’empêcher d’acheter un gâteau !

    C’est le mot de la fin. Le chef de rayon refuse de lui vendre un second gâteau. Sam s’en va heureux de cette bonne farce qui aura mis une ambiance tragi-comique dans la rue. Et oui, on a même plus le droit d’acheter des gâteaux pour les faire écraser par des 4x4 !


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  • Suicides chroniques chez les bêtes


    Renald résidait dans l’immeuble au-dessus du bistrot de La Sarine (un des dernier lieu public populaire dans le quartier. Surnommé « le bureau » par certains habitués.)
    Ce bonhomme était aigri et avait comme principale compagnie, Pincette, un petit chien malade, moche, nerveux, au cul merdeux et quasi aveugle.
    Le vieux Renald passait ses journées au bureau pour boire des coups avec les habitués. Quant à Pincette, la bête ne faisait pas grand chose de sa vie à part pisser et, monter et descendre trois étages.

    Un jour d’été l’animal a pété un câble. Renald buvait son verre quotidien en compagnie des pochards du coin laissant son chien chez lui au 3ème étage de la même bâtisse. L’animal, on ne sait pourquoi, tout d’un coup, se défénestre et s’écrase devant lui. Paf !

    Gros rassemblement autour de Pincette ; arrivée de l’ambulance ; enterrement ; condoléances. On ne saura jamais si le chien s’est suicidé.

    Quelque temps plus tard, des habitants lui offrent un petit chat, qui aime les câlins et reste tranquille à la maison.
    Résultat : le chat fait le même exercice que le défunt chien. On en conclut que les animaux domestiques n’ont pas d’avenir heureux dans le quartier.


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  • Le rat du Madone


    De 1997 à 2004, la cave du 1-3 rue Lissignol est devenue la sulfureuse salle de concert alternative : le fameux « Madone Bar » dans lequel se sont produits de prestigieux et méconnus groupes de trash-core-punk-métal-rock.
    En octobre 2004, le local est mis sous scellés par le DJPS (département de Justice et Police). L’Association Civique Intempestive (ACI) qui regroupe les habitants de l’immeuble est désignée responsable de l’occupation illicite de ce lieu alors que, dans les faits, elle n’en avait plus le contrôle depuis quelques temps et tentait difficilement de reprendre la gestion de l’espace suite à différents incidents survenus (nuisances sonores principalement.)

    Les habitants peu résignés à abandonner ce lieu mythique aux mains de la justice, n’avaient guère le choix dans les faits,  mais l’intervention du rat du Madone allait raviver la flamme du désir de conquête!

    Un soir, lors d’une petite fête à l’Imprimerie, salle commune en dessus de l’ex-Madone Bar, quelques noceurs décident de dégonder la porte qui mène à la cave pour entreprendre une petite excursion et récupérer certains de leurs biens : amplis, piano, outillage. Parmi la bande, Fabien explore les lieux avec nostalgie et s’enfonce dans les couloirs aux murs imbibés d’alcool et de goudron. Tant de souvenirs réapparaissent de sa mémoire. En se faufilant dans un goulet, il voit un soupirail qui donne sur la cour intérieure.
    Une envie d’air frais le prend, et hop! il se glisse dans l’étroite ouverture pour accéder à l’extérieur. Le pauvre Fabien reste coincé et malgré ses cris, personne ne l’entend. A force de se débattre dans ce minuscule orifice,  grâce à sa taille fine et sa résolution à ne pas finir la soirée dans un trou, il réussit à s’en sortir. Il réapparaît au milieu de ses acolytes tel un rat des villes noir et gris, desséché, en sang, entre la vie et la mort. Depuis, on le surnomme le rat du Madone.

    NB : Les habitants sont toujours très énervés au sujet du Madone Bar. Malgré diverses tentatives de discussions avec le propriétaire (La Ville de Genève) pou récupérer en toute légalité la gestion de la cave, les habitants ont perdu gain de cause en faveur d’un jeune pseudo-photographe qui organise des soirées R&B et s’amusent bien avec ses copines en les maltraitant le reste du temps. En plus, c’est le seul usager qui a un bail. Il n’y a plus qu’à s’marrer des paradoxes de la justice!


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